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  • Photo du rédacteurPittet Dominique

Dégustation : 3ème Étape - La Bouche

Dernière mise à jour : 19 févr. 2021


LE GOÛT

Lors de la mise en bouche du vin, nous percevons différentes sensations tactiles ainsi que des arômes. Le goût est un sens complexe qui mobilise à la fois l'odorat, les papilles et le toucher. D'ailleurs, le terme "Goût" dans le langage courant, englobe tous ces sens et il n'existe pas de distinction entre goût et odorat en milieu aquatique

Nous allons explorer deux de ces sensations, les papilles et le toucher, l'odorat ayant été traité ici.

LE PALAIS

Fonctionnement

Notre langue, et plus largement notre palais, sont capables via des cellules sensorielles de détecter les saveurs, que sont le salé, sucré, amer, acide et umami. Ses cellules, appelées papilles gustatives sont regroupées par paquet d'une centaine dans des structures appelées bourgeon gustatif. L'être humain en possède environ 10 000 (extrêmes : 500 – 20 000) localisés pour les 3/4 sur la face supérieure de la langue, le reste se trouvant sur le palais mou, le pharynx et même la partie supérieure de l'œsophage.

Elles transmettent ensuite les informations gustatives de l'aliment au cerveau via un réseau de nerfs. Celui-ci associe l'ensemble des stimuli provenant des différentes voies (odorat, vue, toucher) et cela permet d'obtenir une image de cet aliment.

Le renouvellement de la totalité des cellules gustatives est rapide (par exemple après s’être brûlé la langue), de quelques heures à quelques jours. Mais à l’âge adulte, certaines ne se renouvellent plus, d'où une baisse de sensibilité à certaines saveurs avec le temps.

Le « goût » au sens strict physiologique ne comprend que les sensations perçues par les papilles gustatives de la langue, sensations dite de « sapidité »

La salivation

Une substance n’a de goût que si elle est soluble dans la phase liquide de notre alimentation et dans la salive. Les acides font saliver davantage que les autres goûts. Les aliments les plus savoureux (ayant plus de goût) font saliver davantage.


Le mythe de la carte de la langue

La carte de la langue est une idée reçue selon laquelle la langue est divisée en zones spécialisées dans la perception d'une saveur particulière. Tandis qu'elle est encore largement enseignée, il a été démontré par différentes recherches scientifiques que toutes les zones de la langue sont capables de percevoir l'ensemble du spectre des saveurs. Il est vrai, par contre que certaines zones de la langue sont plus sensibles que d'autres à la perception de saveurs.


La zone 1 pour ressentir l'amertume, la zone 2 pour l'acidité,

la zone 3 pour le goût salé, et la zone 4 pour le goût sucré.

Ceci est faux et cela vient d'une mauvaise traduction d'un article scientifique dans les années 40.

LES SAVEURS

On les compte au nombre de 5 :

  • Le sucré (saveur du sucre, de l’aspartame, de la stévia …)

  • Le salé (sel de table …)

  • L’amer (café, chocolat noir, fruits peu mûrs, endives …)

  • L’acide (vinaigre, agrumes, yaourt nature, groseille …)

  • L’umami (« glutamate de sodium », dans la sauce soja, le bouillon et même le parmesan)

Il a été prouvé qu'il existe en réalité une infinité de saveurs mais que l'on manque de mots pour les décrire d'où le regroupement en 5 catégories.

Les molécules sapides ne génèrent une sensation qu'au-delà d'une certaine concentration, on parle de seuil de détection. Celui-ci change selon les individus. Les saveurs amères sont celles qui ont le seuil de détection le plus bas. Avantage adaptatif possible si l'on considère que la plupart des poisons végétaux sont amers.

SUCRÉ

C’est la saveur la plus primitive, appréciée dès les premiers jours de la vie d’un nourrisson.

La présence de sucre dans le vin est inférieure à 2 g/L pour les vins dits "secs", mais elle peut aller jusqu'à plus de 100 g/L pour les vins doux. Le seuil de perception se situe entre 0,5 g/L et 2 g/L environ, suivant la matrice du vin et du dégustateur.

La sensation sucrée se perçoit immédiatement, elle atteint son maximum après deux secondes puis diminue rapidement pour disparaitre. Elle est amplifiée par l’alcool et par conséquent, un vin au titre alcoolique plus élevé paraîtra plus sucré.

Le sucré donne à la fois des éléments de souplesse, de gras et moelleux. Les saveurs agréables et fruitées sont fréquemment associées par le cerveau au sucre des aliments. De ce fait, le vin est bien souvent défini par abus comme « sucré ».

Le degré de sucrosité pourra être décrit dans un ordre croissant, de mordant, dur, ferme, fondu, onctueux, mielleux, douceâtre et enfin pâteux.

ACIDE

Le vin a un pH relativement bas (Neutre à 7), compris entre 2.8 et 4.2. La sensation acide, qui dépens de ce pH, se perçoit rapidement, elle est persistante et vient des différents acides trouvés dans le vin (malique, tartrique, citrique). La perception se fait par la production salivaire plus ou moins intense et durable (variable 1 à 15 d'un individu à l'autre) et par une sensation de picotement. De plus, le sucre et l'acidité se masquent mutuellement, c'est la balance d'un vin doux.


Un vin qui a subit une fermentation malolactique (transformation de l'acide malique en acide lactique) deviendra moins acide.

L’acidité donne de la fraîcheur en bouche. On peut décrire le vin comme comme frais, vif, direct, friand et si plus forte de nerveux, d'acidulé, de ferme, pointu ou vigoureux, en excès vert, acide, mordant, anguleux, agressif ; lorsqu'elle manque, plat, mou, informe, pommadé, lourd, épais.

SALÉ

La saveur salée se perçoit rapidement dans toute la bouche, elle génère une grande salivation et est persistante. Elle donne de la fraîcheur et relève également la sapidité. Elle s'accompagne d'un arôme iodé. Certains cépages peuvent apporter un goût salé en attaque ; c'est le cas de la petite arvine ou du chasselas, selon le terroir, par exemple. Les vignobles en bord de mer donnent souvent des vins légèrement salins, iodés.

AMER

La saveur amer est la saveur caractéristique de produits tels que la quinine ou l'aloé. La sensation est lente à se développer, elle augmente dans le temps et persiste longtemps.

L'amertume s’associe souvent à une sensation d’astringence liée aux tanins. Elle est plus présente dans les vins blancs et peut marquer un manque de maturité des raisins. Un excès, dû par exemple à une trop longue extraction, est considéré comme un défaut.

Il existe plusieurs composés tirés de plantes qui sont capables de masquer l'amertume.

UNAMI

C’est l’indicateur des saveurs et de la sapidité. C'est la saveur caractéristique du glutamate que l'on trouve naturellement dans la viande et les légumes (tomates, épinards, par exemple). L’umami a un après-goût durable et doux. Il provoque la salivation et une sensation de fourrure sur la langue, en stimulant la gorge, le palais et le dos de la langue.

AUTRES SENSATIONS

ASTRINGENCE

L'astringence provoque l'assèchement de la bouche et des gencives ainsi qu’une impression de rugosité (langue râpeuse). Elle est liée aux tanins présents dans le vin qui réagissent avec la salive, cela forme des agglomérats solides, alors ressentis sur la langue et dans le palais. Globalement, plus la quantité de tanins est importante, plus l'astringence est ressentie. Une température plus basse exacerbe la dureté des tanins et leur côté astringent, alors que l'alcool masque l'astringence.

Les tanins sont apportés par la rafle et la peau du raisin lors de la macération, c’est pourquoi il sont peu présent dans les vins blancs et les vins rosés. Les cépages à peau épaisse comme le Cabernet Sauvignon ou la Syrah, ont un niveau de tanins beaucoup plus élevé. Les tanins, une fois dans le moût, subiront diverses réactions lors de la fermentation et surtout durant l’élevage du vin par oxydation. Tout cela modifiera ces molécules, et diminuera leur réactivité. D'où des tanins beaucoup plus doux et soyeux dans les vieux vins. Les tanins sont également fortement altérés par l’action du champignon Botrytis Cinerea, ainsi, les vins dont la vendange était botrytisée, seront moins tanniques.

Elle s'apprécie en comparant la rugosité des tanins. Les vins de bonne qualité sont dits gouleyants, tendre, soyeux, veloutés, à maturité les tanins seront fondus, souples ou parfaitement intégrés.

De tanins jeunes, on les dira fermes ou serrés. Les moins bien perçus donnent des tannins râpeux, rugueux, grossiers, rustiques. On dira du vin qu'il est acerbe, austère, dur, rêche, âpre. La gradation peut se comparer à des tissus; du plus fin au plus grossier, on a la soie, le velours, le lin, le coton, le jean et la toile de jute. On parle également de grain, serré pour les jeunes, fin à maturité ou grossier pour des immatures.

SENSATIONS PSEUDO-THERMIQUES

Bien que deux vins soient servis à la même température, on peut ressentir en bouche des sensations thermiques différentes. Une sensation de chaleur est souvent associée à une présence plus élevée d’alcool (éthanol) alors qu’une sensation de fraîcheur peut être due à des éléments mentholés ou eucalyptés, acides, ou à l'effervescence.

On classe également l'activation des récepteurs de la douleur par certaines molécules comme la capsaïcine du piment comme sensation pseudo-thermiques.

EFFERVESCENCE

Le « pétillant » est dû à la présence de bulles de CO2, dégagé par la fermentation alcoolique. Il peut être recherché dans des vins tranquilles pour donner un peu de fraîcheur dans des millésimes très chauds. Dans un vin pétillant (crémant, champagne) on recherche la finesse et la persistance des bulles en bouche, ainsi qu'un mousse faible en bouche. Une trop grande quantité de bulles en bouche est désagréable. L'effervescence permet le dégagement des arômes dans la bouche, qui seront perçus par rétro-olfaction.

DÉFAUTS

La présence d'acide acétique, donne un vin piqué, le vin devient aigre et piquant.

La sensation d’acescence vient de la présence d'acétate d'éthyle, due à une altération microbienne du vin. Une sensation d'alcool et de chaleur est présente en bouche, combinée à des arômes de solvants.

Le « goût de souris », est arôme très désagréable, putride, ne se dégage qu'une fois le vin recraché ou avalé. Il est indétectable en soi lors de l'olfaction, car les molécules ne s'exprimeraient qu'à un pH plus basique que celui du vin. En bouche le pH de la salive permet la révélation du « goût de souris ». Elle pourrait être liée à la présence de bactéries appelées brettanomyces, un faible sulfitage, ou une hyper-oxygénation.

L’ANALYSE GUSTATIVE

Analyser un vin en bouche, c’est déterminer son attaque, par le moelleux, son évolution par sa structure et son équilibre au travers des flaveurs, sa minéralité et sa finale par la longueur ou persistance aromatique.


ATTAQUE ET MOELLEUX

La première impression ressentie en bouche, ce qu'on appelle l'attaque, est le moelleux, soit la saveur sucré. Ce sont les alcools (éthanol, glycérol) et éventuellement le sucre résiduel ou encore le fructose qui apportent au vin cette sensation de rondeur, d’onctuosité et de puissance.

Immédiatement après la mise en bouche, les vins tranquilles apparaissent comme peu structurés, plutôt souples avec peu d’effets stimulants sur la langue. Après quelques dixièmes de secondes, les arômes commencent à se développer et – selon le type de vin – l’acidité et les tanins vont révéler progressivement la structure du vin.

Les termes moelleux (sauternes) et sirupeux rappellent que les sucres résiduels contribuent également à la consistance. Dans un Médoc, le cabernet-sauvignon apporte la structure et le merlot contribue à la rondeur. Les descripteurs sensoriels peuvent être les suivants : opulent, ample, riche, plein, rond, gras, onctueux; en cas d'excès lourd ; en cas de manque : maigre, décharné, plat.

ÉVOLUTION ET STRUCTURE

L'évolution du vin en bouche est la formation de sa structure. C’est d’abord l’acidité qui par son effet salivant commence, suivant le type de vin, à donner la structure du vin avant de céder sa place aux tanins, qui par leur astringence sèchent le palais, principalement pour les vins rouges. C'est le corps du vin, ce qui donne du relief en bouche et des sensations tactiles.

La sensation gustative acide est en règle générale neutralisée en peu de seconde par la salive produite plus ou moins abondamment. L’effet d’astringence peut par contre persister beaucoup plus longtemps, selon la quantité et la qualité des tanins.

On décrira un vin avec une grosse structure de charnu, qui a du corps, charpenté, étoffé, plein, solide, viril voir massif ou au contraire de léger, mince, fluet. Pour un structure fine et délicate, on le dira ciselé.

Durant ces dernières années, on constate une évolution. La structure excessive de beaucoup de vins rouges n’est plus tellement due à une acidité trop prononcée mais souvent à une teneur en tanins trop marquée. Progressivement, l’astringence dans ces vins a pris la place de la sensation acide agressive qui était avant fréquemment ressentie. Ce phénomène est certainement lié au fait que les raisins sont plus mûrs et plus aptes à céder leurs tanins au cours de la macération ou du cuvage. Cette amélioration de la qualité peut être attribuée à la fois au changement climatique et à la maîtrise des rendements des dernières années.

ÉQUILIBRE

Il s’agit de déterminer l’équilibre entre le moelleux et l’acidité pour les vins blancs ou encore avec les tanins pour les vins rouges. L'équilibre du vin est le but à atteindre dans le difficile travail d'œnologie pour que le vin présente le meilleur compromis entre les différentes saveurs. De cela dépend l’harmonie de la constitution du vin et est fortement en relation avec la date des vendanges.

Trois niveaux échelonnent cet équilibre : Un vin peut être équilibré (harmonieux), assez équilibré, déséquilibré. Dans ce dernier cas, il est sans doute marqué par une trop forte acidité due à des tannins qui manquent de maturité ou au contraire dû à des raisins qu’il a fallu laisser trop mûrir pour atteindre la maturité phénolique souhaitée.

Les arômes dégagés par rétro-olfaction, comme nous avons pu le voir dans l'article sur l'odorat, participent aussi à l'équilibre du vin. Nos perceptions de ceux-ci nous influencent en renforçant tantôt le moelleux par des notes d'élevage en fût de chêne, tantôt l'acidité, et donc la structure, avec des arômes citronnés ou verts.

MINÉRALITÉ

La minéralité est encore mal définie, elle semble être perçue par la salification des acides du vins avec les sels minéraux comme le potassium ou le calcium. On parle aussi de terroir. Des études ont été faites dernièrement, comme cette thèse de l'université de Lausanne par Mme Pascale Deneulin, dont voici le résumé en 3 minutes sur cette fameuse minéralité.


Vinosité

Elle caractérise la teneur en alcool du vin. Plus un vin est riche en alcool, plus il peut paraître vineux ou brulant, c'est également vrai si il est servi à un température trop élevée


On dit du volume d'alcool d'un vin avec moins de 11% vol. qu'il est faible, entre 11 et 14% qu'il est moyen et plus de 14% qu'il est fort.

Lorsqu'il est équilibré on le dit velouté, puissant, enveloppé, généreux, quand son taux d'alcool semble élevé on le caractérise de corsé, capiteux, chaud ; en excès il est alcooleux, brûlant, agressif, spiritueux, vineux, chaleureux, à l'inverse, en cas de manque il sera mince, léger, plat, aqueux, filant, maigre.

L’alcool accroît la sensation de moelleux et l’ampleur de l’attaque, soutient la puissance durant l'évolution et renforce la structure et la persistance en finale, ainsi que l'astringence.


FINALE ET LONGUEUR

La « longueur », ou persistance aromatique intense, est le temps en caudalie (1 seconde = 1 caudalie) pendant lequel les arômes persistent en bouche après que l'on ait avalé ou recraché le vin. Lorsque la persistance des arômes n'est plus perceptible en bouche, il y a une reprise de la salivation. On différencie la longueur en bouche d'un arrière-goût (goût défectueux ou défaut).

La longueur est en rapport avec le niveau qualitatif d'un vin. On juge de l'intensité et de la qualité de cette longueur par la finesse de ses arômes. Plus un vin sera long, plus il sera intéressant de l'associer à un mets adapté par exemple. Il y aura en effet un espace plus important pour la superposition des saveurs vin / mets.

Entre 3 et 10 caudalies suivant la qualité et la hiérarchie des vins ; en dessous de 5 caudalies, la finale est courte, 6 à 8 caudalies indiquent que le vin est bon avec une finale dans la moyenne, 10, longue, qu'il est très complexe et très aromatique. Certains vins tels les muscats, gewurztraminer ou vin jaune sont très persistants et dépassent les dix caudalies.

Outre la longueur, la finale peut être décrite de différentes façon. On parle de finesse, d'élégance ou d'harmonie. Elle peut être douce, amer voir acide.


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