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Dégustation : Bordeaux de 2015 à 1995


Encore une fois réunis pour partager de belles bouteilles et c'est Bordeaux qui est à l'honneur avec une sélection de millésimes entre 2015 et 1995, sur des propriétés de la rive droite et gauche.

Château Canon

Domaine de 34 hectares, il est situé sur le haut du versant sud-ouest du plateau calcaire de la colline de Saint-Émilion, à quelques encablures du village. Il est entouré de plusieurs autres 1er grands crus classés, tels que Clos Fourtet, Beauséjour-Bécot et Belair Monange. La demeure date du XVIIe siècle et est classée bâtiment historique.

Le château a été acheté en 1760 par le corsaire Jacques Kanon. C’est un premier cru classé B depuis le premier classement des vins de Saint-Émilion en 1955. Il a appartenu à la famille Fournier de 1919 à 1996, date de son rachat par la famille Wertheimer, propriétaire du groupe Chanel et également le château Rauzan-Ségla, à Margaux. D’importants investissements ont été faits depuis ce rachat et près de la moitié du vignoble a été arraché et replanté.

L’encépagement du domaine est à 75% en merlot et 25 % de cabernet franc, sur 22 hectares. L’âge moyen des vignes est de 25 ans et la taille est en guyot-double. Les rendements ne dépassent pas 35 hl/ha. Le sol est argilo-calcaire, avec, à 10 mètres sous les vignes, des galeries creusées dans la masse calcaire au 19e siècle pour en extraire des matériaux de construction. Les kilomètres de galeries sont consolidés avec d'énormes piliers pour éviter les risques d'affaissement.

Le vignoble du château a évolué depuis le rachat par Channel. En 2000, rachat de la parcelle du Curé Bon, à côté d’Ausone. Toujours en 2000, achat de la parcelle du Bourg, à l’intérieur de Saint-Émilion, à côté du cloître des Cordeliers (0,3 ha). En 2011, ils rachètent le château Matras, adjacent au domaine, qui viendra, avec ses 11 hectares, s'ajouter au 2ème vin du domaine, le Clos Canon, qui est composé des jeunes vignes du domaine principal. En 2012, Clos Canon est renommé Croix Canon.

Le château effectue les vendanges manuellement, les fermentations se font en cuve inox, et l’élevage est pour 60% en barriques neuves. L’œnologue de la maison est Gilles Pauquet. 80'000 bouteilles sont produites.

Le château a vraiment explosé en 2009 avec une montée de prix de 150%. Jusque-là considéré comme un bon vin, il atteint maintenant des sommets sur 2009, 2010. Les 2015 et 2016 sont encore plus réussis, avec une nouvelle montée des prix et des notations rivalisant avec les grands crus classés A. Une bouteille de Canon a valu pendant longtemps une cinquantaine de francs. Il faut compter en 2018 plus de 150 frs la bouteille pour les 2015, 2016, 2017.

Le vin de Canon est réputé pour son élégance, sa finesse, son style peu boisé, frais, aérien et fruité.

Château Lascombes


Ce domaine de 112 hectares, classé 2ème grand cru en 1855, dont 84 hectares de vignes, en font un des plus vastes vignobles de l'appellation Margaux. Il se trouve principalement sur la commune de Margaux au nord du village.

Le nom vient du plus ancien propriétaire connu, le chevalier Antoine de Lascombes (1625). A l’origine, le vignoble du château Lascombes et de son voisin, le château Dufort Vivens, ne formaient qu’un seul domaine. Il fût séparé entre 1700 et 1750 lors d’héritages. Les premiers propriétaires du domaine actuel furent Jean-François et Anne de Lascombes. La construction du château en lui-même a commencé en 1780. Au court du XIXe siècle, le domaine passe de mains en mains. En 1867, c’est un certain Gustave Louis Chaix d’Est-Ange, bâtonnier du barreau de Paris qui le rachète. C’est lui qui donnera au château son aspect actuel. Il reste dans cette famille jusqu'en 1952, ou il est vendu à Alexis Lichine, propriétaire et négociant. En 1971, devant des difficultés financières, il revend la propriété à une marque de bière anglaise. Il passe ensuite en mains américaines en 2001, Colony Capital. Il appartient aujourd'hui au groupe français mutualiste MACSF, qui a déboursé 200 millions en 2011.

La grande étendue du domaine et son morcellement lui donne accès à un grand nombre de types de sol, argilo-calcaire et graves argileuses pour le merlot, graves argileuses et graves pour le cabernet sauvignon, graves pour le petit verdot. L’encépagement est de 50% merlot, 45 % cabernet et 5 % petit verdot. La taille est en guyot double et l’âge moyen des vignes est de 35 ans.

Le domaine produit deux autres vins, le Chevalier de Lascombes, le 2ème vin, et un Haut-Médoc. 300'000 bouteilles sortent du domaine chaque année.

De nombreuses transformations et améliorations ont eu lieu à partir de 2001, étude pédologique parcelle par parcelle, restructuration du cuvier et du chai. Récolte manuelle, vinification classique, le vin est ensuite élevé sur lies pendant 4 mois. L’élevage finale, après assemblage, est de 18 à 20 mois, 80 à 100% de bois neuf selon les années.

L’œnologue conseil est Michel Rolland. C’est un vin alliant puissance et élégance, avec une bonne richesse tannique. Il contient une majorité de merlot, ce qui le rend déjà agréable jeune, mais il supporte une longue garde sans aucun problème.

Le prix d’une bouteille de Lascombes tourne autour des 80 à 100 francs en 2018. Le 2010 est sans doute le meilleur vin que le domaine ait produit selon les critiques sur les 15 dernières années. 2015 et 2016 seront des bons vins mais pas au meilleur rapport qualité/prix.

Château Sociando-Mallet

Depuis le 17ème siècle, Sociando-Mallet occupe la butte de Baleyron sur une surface de 120 hectares. Situé sur la commune de Saint-Seurin-de-Cadourne, son vignoble se trouve en bordure de l’estuaire de la Gironde. Il est situé dans l’exact prolongement des terroirs des châteaux Cos d’Estournel, Montrose et Calon-Ségur de Saint-Estèphe, mais sur l’appellation Haut-Médoc.

Le nom viendrait d’un aristocrate d’origine basque du nom de Sociondo, selon des documents de 1633. On retrouve en 1750, une référence relative à des vignes de la Demoiselle Anne de Sossiondo. Au cours des ans, « Sociondo » (ou « Sossiondo ») est devenu « Sociando » à la suite d’une erreur orthographique. En 1831, Marie-Elisabeth Alaret était la propriétaire de Sociando. Elle épouse Achille Mallet, capitaine de marine. Selon la coutume de l'époque, il convenait d'ajouter son nom à celui de son domaine, ce dernier est alors baptisé Sociando-Mallet. La famille Alaret reste propriétaire du domaine jusqu'en 1878, date à laquelle le droit de propriété est transmis à Léon Simon. Entre cette époque et l’arrivée de Jean Gautreau en 1969 à Sociando-Mallet, la propriété est passée successivement entre les mains des nombreux négociants bordelais.

Né en 1927, 91 ans aujourd'hui, Jean Gautreau était un célèbre joueur de foot et de tennis dans sa jeunesse. Alors âgé d’une vingtaine d’année, il alla travailler à Bordeaux dans le domaine du courtage des vins et fut un précurseur sur de nombreux marchés européens. A la recherche d’une propriété à vendre pour l’un de ses clients, il découvre Sociando-Mallet. Ayant un coup de foudre pour cette propriété en piteux état, mais au panorama magnifique sur l’estuaire de la Gironde, il décide de l’acquérir pour lui-même contre la somme de 250 000 Francs en 1969. C’est alors un domaine de 5 hectares en mauvais état, avec juste un petit cuvier et un garage. Dès le deuxième millésime, il se fait remarquer et poursuit durant les années septante, la rénovation et l’amélioration du domaine.

Son millésime 1982, noté en primeur par Robert Parker, tire Sociando-Mallet de l'anonymat. En 1996 il défraye la chronique lorsque le Grand Jury européen classe son millésime 1990 devant tous les premiers crus.

En 2000, Jean Gautreau se retire des affaires de négoce pour se consacrer uniquement à son vignoble. C’est maintenant son unique fille, Sylvie, née en 1967, qui reprend le flambeau, l’ayant accompagné durant de nombreuses années.

Le sous-sol est pour 2/3 argilo-marneux avec des graves en surface, de même nature que celle de Montrose ou Latour, un sol drainant parfait pour le cabernet sauvignon. Le dernier tiers est plus argileux et plus propice aux merlots. L’exposition est excellente pour une bonne maturité du raisin.

Aujourd'hui la surface du vignoble avoisine les 80 ha distribués en 24 parcelles dont deux blocs importants de 18.9 ha (Baleyron) et de 16.56 ha (appelée Le Domaine) à proximité immédiate des chais et des bureaux. L’encépagement est composé à 42% de cabernet sauvignon, 54% de merlot et 4% de cabernet franc. Les vignes ont une moyenne d’âge de 35 ans. L’œnologue conseil est M. Couasnon, qui officie également à Charmail ou Lafon-Rochet, tout proches. Le domaine a changé son assemblage en 2013, après des dizaines d’années à majorité cabernet sauvignon. La mauvaise saison pour les cabernets et l’arrachage de deux grandes parcelles en 2014 en font maintenant un assemblage à majorité merlot.

La vinification est faite de façon traditionnelle, avec les levures et les bactéries indigènes. Le cuvier dispose de cuves inox et béton modernes. L’élevage est de 12 mois en barriques neuves à 85 % et 6 mois en cuves.

Ce vin n’est pas classé, ni en grand cru, ni en bourgeois ou artisan. C’est un vin qui a remporté de nombreuses compétitions à l’aveugle au fil des ans, battant régulièrement les grands crus classés du Médoc et de Saint-Émilion. À Las Vegas en 2001, dans une dégustation rassemblant une centaine de bordeaux 1982, Sociando-Mallet a été classé second par le jury européen après Château Pichon-Lalande et troisième par le jury américain après Château Figeac et Château Lynch-Bages. À l'occasion d'une dégustation à l'aveugle organisée en 1999, le Sociando-Mallet 1996 se place en tête d'une liste de 132 bordeaux du même millésime.

Le domaine produit 600'000 bouteilles chaque année. Il y a un deuxième vin, la demoiselle de Sociando-Mallet, à partir de parcelles plus jeunes qui couvrent 20 hectares. Il y a aussi une cuvée spéciale, Jean Gautreau, depuis 1995, qui donne une autre vision de Sociando-Mallet, généralement plus cabernet et donc de plus longue garde. Elle est reconnaissable grâce à une forme de bouteille plus élancé que le modèle bordelais classique.

Un vin qui a un peu de Pauillac, de par son corps et sa texture, et un peu de Saint-Estèphe par le grain de tanin. Il possède une structure complexe, fraîche et élégante, sur des petits fruits rouges avec un excellent potentiel de garde.

Une bouteille s’achète entre 30 et 40 francs pour les millésimes récents, jusqu'à 100 frs pour les millésimes plus anciens comme 1990, 1996, 2000.

Château l’Apolline

Domaine de 2,8 ha à Saint-Sulpice-de-Faleyrens, à 6 km au sud du village de Saint-Émilion, il a été la propriété de Perrine et Michel Genevey entre 1996 et 2013. Il avait été renommé au prénom de leur troisième fille. Avant cela, il portait le nom de château Brégnet. Il était sur l'appellation Saint-Émilion Grand Cru (non classé).


Le dernier millésime enregistré sur le net est le 2011. Le prix oscille entre 20 et 50 francs. La domaine a été revendu à un chinois en 2013, Chi Keung Tong, qui possède plusieurs autres châteaux dans le bordelais. Il se nomme maintenant World Harvest Far East et est exporté en Chine.

Les sols sont de type argilo-calcaire avec des graves. L’encépagement était à 88 % merlot et 12 % cabernet sauvignon, l’âge moyen des ceps de 40 ans et la taille faite en Guyot Double.

Les vendanges étaient mécaniques. L’élevage a été fait en barrique neuves pour 10 à 30 % seulement. Le domaine produisait environ 15'000 bouteilles par année.

Château la Marzelle

Ce domaine situé au nord de Saint-Émilion, à côté de l’Hôtel du Grand Barrail, en dessous de Figeac, a été racheté en 1998 par le couple Sioen, des industriels belges.

Le domaine est créé au début du XVIIe siècle. En 1821, il apparaît sur la carte de Belleyme, une des premières cartes détaillées de la région. En 1925, la mention « premier cru classé » est inscrite sur l’étiquette de la bouteille. Même si le classement officiel de Saint-Émilion n’existe pas encore, cela prouve la notoriété de ce vin déjà à cette époque. C'est donc sans surprise qu'il fasse partie des grands crus classés de Saint-Émilion dès la création du classement en 1955. A la fin des années 90, le niveau de ses vins baisse, suite notamment à une mécanisation mal adaptée. Il sort d’ailleurs de ce classement en 2006, mais celui-ci est le sujet de nombreuses controverses, et est suspendu et enfin annulé par un tribunal. En 2012, un nouveau classement est établi sous la tutelle de l’INAO, et La Marzelle conserve sa place de Grand Cru Classé.

En 1998, la Marzelle compte 13 hectares de vignes. En 1999, le chai à barriques est doublé, permettant d’élever en barriques la totalité de deux millésimes. En 2003, Château La Marzelle s’agrandit en achetant 4 hectares adjacents au domaine. 4 cuves en bois sont installées cette année-là, équipées pour la régulation des températures durant les fermentations. En 2012, le chai de vinification est complètement refait. De nouvelles cuves inox à double paroi, tronconiques, thermorégulées de 80 et 100 hl, sont installées.

C’est maintenant un domaine de 17 hectares, d’un seul tenant, groupé autour des bâtiments d’exploitation, situé sur la Haute Terrasse de Saint-Émilion. Celle-ci a été formée il y a 2 millions et demi d’années sur l’ancien lit de l’Isle, une rivière qui a apporté sables, graves et argile. Sur cette étroite langue de terre se situent, du nord au sud, Pétrus, Cheval Blanc, Figeac et La Marzelle.

L’encépagement est composé de 75% de Merlot, 17% de Cabernet Franc et 8% de Cabernet Sauvignon.

La culture est faite suivant les principes de l’agriculture biologique depuis 2013. La densité des vignes a été augmentée ces dernières années et certaines vignes de merlot ont été replantées. Il y a environ 100'000 pieds d’une moyenne d’âge de 25 ans conduits en guyot double. Les vendanges sont faites manuellement. Le domaine possède un matériel de dernière génération pour la réception du raisin, acheté en 2014.

Philippe Genevey, ancien propriétaire du Château l’Apolline et directeur du domaine, s’occupe des vinifications. L’élevage se fait entre 16 et 18 mois en barrique pour 60 % neuves. L’assemblage a lieu en fin d’élevage, 2 mois avant la mise en bouteille, qui est faite par un prestataire au château. C’est une chaîne installée sur un camion qui effectue ce travail, comme dans beaucoup de domaine de Bordeaux.

La Marzelle avait innové en 1998, avec une étiquette bleue, avant-gardiste. En 2009, La Marzelle est revenu sur une étiquette plus traditionnelle s’imprégnant d’une étiquette de La Marzelle 1925 et reprenant la même police qu’à l’époque.

Les meilleures années sont 2008, 2009, 2015 et 2016. Le prix est compris en 30 et 50 francs. La production annuelle de la propriété est d’environ 40000 bouteilles pour le Château La Marzelle et 15000 bouteilles de second vin : Château Prieuré La Marzelle.

La Dominique

Les premières traces de ce domaine datant du début du XVIIème siècle, alors appelé « Durieu », sont la vente à la famille Dominique Glenne. En 1690, lorsque la propriété est nouvellement acquise par Jacques et Isabelle Micheau, elle se nomme alors « Dominique ». Et, ce fut le négociant Henri Greloud, au milieu du XIXème siècle, qui féminisa le nom et inventa la légende d’un négociant amoureux de l’île des Caraïbes, La Dominique...

En 1969, Clément Fayat, entrepreneur dans la construction, se porta acquéreur du domaine qui n’était alors qu’une maison de maître cerclée de vignes. En 2014, c’est son fils qui a repris la main sur le domaine en modifiant l’équipe.

Situés au nord-ouest de Saint-Émilion, en bordure de l’appellation Pomerol, les 29 hectares du Château La Dominique jouxtent les vignobles les plus célèbres de la région - Cheval Blanc, Figeac, La Conseillante, L’Evangile. Il se trouve en bordure de la Haute Terrasse de Saint-Émilion. Au nord de la propriété, on retrouve les plateaux argilo-graveleux propices aux cabernets sauvignons. Au sud, les sous-sols argilo-calcaires et les sols sablo-graveleux, confèrent tension, finesse et minéralité aux merlots et cabernets francs qui y ont été plantés.

Le Château a entamé une restructuration de son vignoble depuis 2006. La famille Fayat souhaitait un nouvel équipement technique du plus haut niveau. En 2009, la surface viticole s’accroît de 5 hectares supplémentaires. En 2012, elle fait alors appel à l’architecte Jean Nouvel qui imagina alors un chai avant-gardiste, à la fois fonctionnel, lumineux et aéré. Entièrement gravitaire, il abrite depuis 2014 vingt-deux cuves inox tronconiques thermorégulées de 73 hl sur 600 m2, permettant une vinification parcellaire.

Le toit terrasse, couvert de galets rouges rappelant le foulage des baies, offre une fabuleuse vue sur le vignoble alentour et un restaurant.


Il fait partie des grands crus classés de Saint-Émilion depuis l’établissement du classement en 1955.

Disposant de sa propre pépinière, la propriété a procédé notamment à un renforcement des cabernet-franc. Actuellement les vignes, âgées de 35-40 ans en moyenne, conduites en guyot simple et double, occupent une superficie de 23 hectares. L’encépagement est constitué de merlot 86%, avec 12 % de cabernet franc (à terme entre 15 et 30%), et 2 % de cabernet-sauvignon. Le tout est conduit en viticulture raisonnée et expérimente le bio sur certaines parcelles.

Les vendanges sont faites manuellement. Les fermentations sont effectuées dans les cuves inox par parcelle. Le vin est élevé seize mois en barriques neuves à 60%, et barriques d’un vin, amphores et cuves inox, selon le millésime. L’œnologue conseil est Michel Rolland depuis 1975.

Le domaine produit un deuxième vin, le Relais de la Dominique. Depuis 2011, la production de premier vin est passée de 80 % à 55 %. Avec 45 % de second vin en 2015, l'équipe de La Dominique confirme sa volonté de sélectivité. Au total, c’est 100'000 bouteilles qui sont produites.

LES MILLÉSIMES

Voici une description des millésimes bus durant la soirée. Dans un souci de synthèse, je vous mets pour la rive gauche, Médoc - Graves, et la rive droite, Saint-Émilion – Pomerol, les meilleures années dans l’ordre décroissant. C’est bien sûr indicatif.

Rive Gauche : 2016 – 2005 - 2009 – 2010 – 2015 – 2000 – 2003 – 2012 – 2014 – 2008 – 2006 – 2011

Rive Droite : 2009 – 2010 – 2016 – 2005 – 2015 – 2000 – 2014 – 2012 – 2008 – 2006 – 2011 - 2001

Les pires dans les 20 dernières années sont 2002 et 2013, suivi de 2007, particulièrement rive gauche.

Il y a aussi les qualificatifs des millésimes : on trouve dans l’ordre et pour l’exemple, Pauillac :


2015 à Bordeaux

2015 est un excellent millésime en qualité et en quantité. En effet, toutes les conditions pour atteindre ce niveau étaient réunies.

Une floraison et une nouaison précoces et rapides sous un climat chaud et pas trop humide pour assurer une bonne fécondation et prédisposer la vigne à une maturité homogène.

La contrainte hydrique s’est établie progressivement en juillet, sous un temps sec et chaud, provoquant le ralentissement puis l’arrêt définitif de la croissance de la vigne avant la véraison. Cela permet une meilleure maturation du raisin car l’énergie de la plante ne va plus aux feuilles, mais uniquement aux fruits.

La maturation des différents cépages était complète grâce à un mois d’août, qui donna quelques pluies bienfaitrices et un septembre plutôt sec mais sans chaleur excessive.

Et enfin, un beau temps sec, moyennement chaud pendant les vendanges de septembre et octobre, a permis d’étaler la période de récolte pour obtenir une maturation optimum de chaque parcelle.

La clé d’un équilibre parfait réside en la juste quantité de pluie et d’un ensoleillement généreux. 2015 a apporté suffisamment de pluie pour encourager la croissance des vignes tandis que le soleil et la chaleur étaient également au rendez-vous pour finalement, une arrivée à maturité optimale.

La récolte des raisins rouges débuta avec les merlots la troisième décade de Septembre, sauf sur certaines zones, qui, arrosées en début de mois présentaient une forte pression vis-à-vis de la pourriture. La cueillette des cabernets et du petit verdot se prolongea un peu au-delà de la mi-octobre grâce à de belles périodes sans pluie.

Toutes les appellations ont bénéficié de ces bonnes conditions. Sauternes est exceptionnel, la rive droite a donné de très bon merlots et cabernets francs, frais et aromatiques, avec un alcool contenu mais avec beaucoup de tanins, particulièrement sur le plateau calcaire de Saint-Émilion. Le Médoc est au sommet de son style, particulièrement à Margaux, et partout les cabernets sauvignons ont pu être récoltés à pleine maturité. La situation est la même dans les Graves.

Encore un millésime en 5 qui ne faillit pas à sa réputation (1945, 1955, 1975, 1995, 2005). Il reste par contre en dessous de 2016, 2010, 2009 et 2005.

2010 à Bordeaux

2010 est indéniablement une grande réussite, particulièrement pour les vins rouges. Venant juste après le 2009, exceptionnel, il s'affirme comme un millésime plus classique.

Dans le Médoc, l’hiver fut froid et sec avec un débourrement tardif des vignes. Un climat printanier irrégulier ne permit pas une floraison homogène sur l’ensemble du territoire. L’été fut sec, moins que 2009, et permit un stress hydrique très équilibré qui favorisa une très belle maturité des raisins. L’alternance des journées chaudes et ensoleillées avec des nuits fraîches favorisa une excellente fin de maturité pour les raisins. Les vendanges purent commencer autour du 20 septembre dans le Médoc.

Les vins, affichent une belle acidité, de la densité et une structure impressionnante, qui permet de présager d'une très longue garde, mais également des tanins assez secs qui ne vont pas tous forcément s’assouplir. Car le petit inconvénient de ce profil est que ces vins sont assez fermés dans leur jeunesse. On sent une trame formidable en bouche, mais elle est relativement peu expressive sur le plan aromatique. Tout le contraire d'un 2009 qui a toujours été aimable dans sa jeunesse, facile à apprécier sur son fruit. 2010 dans le Médoc est un grand millésime, juste en dessous de 2005 et 2009.

Sur Saint-Émilion, l’hiver fut froid, long et marqué par les gelées. Le printemps était conforme aux normales saisonnières. Mais le début du cycle fut lent et progressif et fit souffrir les merlots. Grâce à un été particulièrement sec, les vignes purent conduire les raisins à une parfaite maturité. Si les raisins étaient exceptionnellement sains, leur taux d'alcool assez élevé rendait la vinification relativement délicate et de nombreux vins affichent des taux élevés. Il est préférable de regarder vers les domaines ou le cabernet franc domine. Mais en général, 2010 reste ici au même niveau que 2009.

2010 est également magnifique pour les liquoreux de Sauternes et Barsac, supérieur aux très bons 2009 car on a la finesse en plus de la richesse. Un magnifique millésime doté d'une superbe acidité qui équilibre une richesse exceptionnelle. Sans doute très proche des déjà mythiques 2001.

A noter que Robert Parker a descendu ses notes 2010, faites en 2011, en 2013, légèrement, mais quand même. Son commentaire à la sortie du 2010 : « 2010 est un très grand millésime, mais il ne dépasse pas en qualité globale ce qui a été produit à Bordeaux en 2009. » Lors de sa seconde dégustation, il a légèrement révisé ce jugement en déclarant : « 2010 se révèle aussi marquant que 2005. Les tanins se sont adoucis, et s’ils ne sont pas aussi doux que ceux de 2009, ils sont plus représentatifs d’un millésime classique ».

2003 à Bordeaux

Année exceptionnelle tant d’un point de vue climatique que qualitatif. Avec un hiver humide et donc de bonnes réserves d’eau, un printemps plutôt sec, ce qui a augmenté la résistance de la vigne à la sécheresse de l’été caniculaire qui commença en juin déjà, et un début d’automne humide, c’est une excellente année, mais pas partout.

Dans le Sauternais, 2003 est à nouveau une année d’anthologie, édifiante ! Et pour cause, le mois de juin fut le plus chaud enregistré depuis 1896 ! Les maturités eurent jusqu'à 4 semaines d’avance, ce qui est considérable, étant donné que la moyenne est de 100 jours. Les quelques pluies du mois de septembre permirent une apparition uniforme du botrytis. Ces conditions n’empêchèrent pas les domaines d’effectuer des tries successives jusqu'à la fin septembre. Les vins sont absolument magiques, remarquables de finesse et de concentration, destinés à une très longue garde. Véritable année d’anthologie presque au niveau de 2001 ou 1990.

Sur la rive droite les résultats sont plus hétérogènes, on a connu les vendanges les plus précoces depuis 1893. Avec un mois d’août à 40°, le merlot a moins bien résisté que le cabernet franc. On constate que beaucoup de vins sont incomplets, avec un fruit limité, une structure légère et des tanins souvent trop mûrs, signant une évolution précoce et une courte garde. Seuls les plus grands terroirs, plateau de Saint-Émilion, lentille argileuse de Pomerol, ont tiré leur épingle du jeu. Les satellites de Saint-Émilion ont également fait de très beaux vins.Dans le Médoc, l’automne fut particulièrement humide. Contrairement aux autres régions viticoles, le médoc fut plutôt préservé des effets de la canicule car il y eut beaucoup d’orages ponctuels entre les pics de températures très élevées. Et les orages à la fin du mois d’août permirent à la vigne de poursuivre paisiblement sa maturité. Résultat, de Margaux à Pauillac, nous avons des vins superbes.

La production de vin en 2003 est environ 15 % de moins qu’un millésime normal et Bordeaux a moins souffert de la sécheresse que d’autres régions viticoles. Globalement, 2003 reste un millésime marqué par la chaleur, avec des vins forts en alcool et sans acidité excessive.

2000 à Bordeaux

L’année 2000 est une très grande année sur Bordeaux. Il restera dans les mémoires pour des vendanges étalées, entre septembre et octobre qui ont permis de ramasser des raisins très sains et d’une maturité rarement atteinte ces dernières années. Il fût par contre plutôt dur à gérer dans le Sauternais.

Dans le Médoc, la chaleur et la pluie se trouvèrent concentrées sur les mois d’avril et mai avec des températures au-delà des normales saisonnières. Ces conditions climatiques ont favorisé l’apparition du mildiou. Il fut stoppé par un été très sec qui a permis une maturité et une concentration parfaite des raisins. Un été qui a été particulièrement favorable au cabernet sauvignon. Les vendanges ont commencé sous de petites averses qui n’ont pas eu d’incidences sur l’état sanitaire de la récolte. L’équilibre alcool-acidité est excellent. Les vins sont d’une grande profondeur, tout en finesse. Les grands crus de Saint Julien et Pauillac sont grandioses à côté des Margaux, excellents, suivis par Saint-Estèphe. Côté rive droite, bien que la qualité soit au rendez-vous, il faudra se montrer plus sélectif dans les vignobles de Pomerol et de Saint-Émilion. En effet, le printemps fut plutôt clément avec des températures douces, mais avec une hygrométrie légèrement au-dessus de la moyenne. L’été fut chaud et sec comme dans l’ensemble du bordelais. Les raisins arrivèrent à parfaite maturité avec de très beaux équilibres, en particulier pour les merlots. A Pomerol, les vendanges commencèrent plutôt que d’habitude, vers le 15 septembre,) à cause de la chaleur du mois d’août.

Les 2000 sont des vins de robe profonde, qui exhibent des arômes et des saveurs de fruit concentré, qui sont dotés de tanins mûrs, dont les niveaux d'acidité sont relativement faibles et les finales remarquablement longues, ce qui en font des vins de longues gardes. Ce millésime surpasse les grands millésimes tels les 1996 et 1998 et verra une explosion des prix, dû à la qualité mais aussi au côté mythique de l’année du millénaire.

1996 à Bordeaux

Un très grand millésime en qualité et en quantité. La parfaite maturité du cabernet-sauvignon a engendré des vins d'une extraordinaire concentration sur la rive gauche. La plupart des vins du Médoc sont pleins, amples, aromatiques et de grande garde. La typicité du millésime est une acidité rafraîchissante, couplé à une bonne ampleur et richesse aromatique.

En revanche, les Pomerol, Saint-Émilion et Graves sont de qualité plus irrégulière, le merlot ayant souffert des pluies torrentielles de l'été. Certains vins peuvent donc manquer de densité ou de profondeur.

1995 à Bordeaux

Le millésime 1995 se présente comme exceptionnel, le meilleur depuis 1990, sur toutes les appellations du Bordelais. Sur Saint-Émilion et Pomerol, on a les avantages des caractères d'un millésime chaud sans en avoir les défauts: des tanins mûrs et fruités, mais pas d'impression de surmaturité, de fruit confit ou caramélisé. Et pour cause, après l'été sec et torride, il a plu en septembre. Cela a favorisé l’abondance de vin mais explique qu’ils n'aient pas la profondeur des 90. Le cépage merlot a souvent été ramassé avant les pluies, donc bien mûr, tandis que les cabernets l'ont été après, mais dans de très bonnes conditions de maturité.

NOTES DE DÉGUSTATION

Château La Marzelle 2015 – Saint-Émilion Grand Cru Classé

Pourpre très foncé aux reflets lilas et violets. Un joli bouquet de fruits noirs, cerise, thé noir, café, réglisse. En bouche, l’attaque est franche, volume moyen, bonne densité, tanins bien présents mais sans amertume. La finale est longue avec un joli coté épicée. Un vin encore bien jeune mais prometteur. 80% M, 13% CF, 7% CS.

Château Lascombes 2010 – Margaux – 2ème Grand Cru Classé

Pour moi le meilleur de la dégustation. Le nez est très fin, intense, fleurs et fruits rouges. En bouche, on reconnait le style Margaux, la finesse, l’élégance, ce côté féminin, avec une superbe trame, des arômes complexes et une belle longueur. Les tanins sont bien intégrés, souples, nobles. On dit que le 2010 est le meilleur Lascombes produit, possible, en tout cas au niveau d’un 2000 sans problème. Et le style a bien changé depuis 1995.

Château l’Apolline 2003 – Saint-Émilion Grand Cru

Merlot à 85 % environ. Le vin est à maturité, avec une belle couleur tuilée. Le nez est de fruits rouges cuits, cuir et tabac. En bouche, attaque moelleuse, acidité moyenne, tanins complètement fondus, fraise, pruneau sec, épices. La finale est longue et fraîche.

Château Sociando-Mallet 2000 – Haut-Médoc

La robe profonde apparaît très sombre et très jeune. Le nez moyennement intense de mûres, cassis et de réglisse reflète une forte personnalité. Souple et ample en attaque, c’est un vin délicat avec du soyeux, des tanins fins très présents et une grande fraîcheur. Très équilibré, avec quelques traces d’évolution, et une finale harmonieuse. Pauillac par le corps et la texture, Saint-Estèphe par le grain de tanin.

Château La Dominique 1996 – Saint-Émilion Grand Cru Classé

Robe rouge profonde et brillante, arômes de fruits mûrs, cerises, groseilles et de subtiles notes épicées, En bouche, son attaque est franche, volume moyen, mais juste avant la finale, il y a comme un trou. Il manque un peu de densité dans les arômes et les tanins. La fin de bouche est agréable, mais un peu légère.

Château Canon 1995 – Saint-Émilion 1er Grand Cru Classé « B »

Le nez est à peine évolué, on respire des petits fruits rouges, un peu de cuir, du tabac. En bouche, encore beaucoup de jeunesse, de la fraîcheur, des arômes complexes, un bon volume. C’est soyeux, ample. Les tanins sont d’une douceur à tomber. La finale est très réussie, avec des épices douces et une bonne longueur. Belle bouteille.

Château Lascombes 1995 – Margaux – 2ème Grand Cru Classé

Une robe noire, un nez ou le cabernet domine, poivron vert léger, épices, fumé, cuir. En bouche, c’est frais dans l’acidité comme dans le fruit, bonne amplitude, tanins encore bien présents. A carafer 30-45 minutes. Le tout donne une impression assez rustique, dans un style plus old-fashionned, avec une finale un peu terne.

Merci à tous pour votre participation et à la prochaine. Si vous avez des commentaires, n'hésitez pas...


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